5 oct. 2009

Imaginer (déménagement)

Le blog, ou site, ou qu’importe, a définitivement migré vers http://soubresauts.net et son flux rss est ici : http://soubresauts.net/drupal/rss.xml

12 août 2009

Imaginer (anticipation)

 
À Joséphine

On le sait, il n'y a plus de nos jours la nécessité qui existait alors. Il n'est pas même certain qu'ils aient, à l’époque, pu se rendre compte de la contrainte subie. Toutes ces années, ces quotidiens accumulés, sans se douter des modifications radicales qui allaient survenir — même les plus visionnaires n'avaient pas eu la moindre idée de ce que nous vivons, nous, à présent —, il a fallu que cette réalité, et l'idée de cette réalité, avant qu'elle ne survienne réellement, fasse un lent chemin dans les esprits. Bien entendu il y a cette petite contrainte, et la cascade de changements apparus — qui sont à vrai dire plus le fait de cette contrainte que du changement père de cette contrainte. Nul n'en avait prévu autant, ni que notre vie en serait tant changée — bien entendu, de longues études avaient été menées au préalable qui avaient permis de prédire une grande partie des modifications effectivement survenues, ainsi que de ne jamais perdre le contrôle, contrairement à ce que l'on peut en dire dans certains milieux : le changement fut plus radical et plus rapide que ce que nous aurions pu imaginer, c'est tout. Quoi qu'il en soit il ne viendrait pas à un esprit un tant soit peu sain et mesuré l’idée de ne pas reconnaître l'amélioration substantielle survenue depuis. Il nous faut pourtant avouer que la comparaison n'est pas des plus facile puisque de plus en plus rares sont ceux ayant les facultés d'analyse et suffisamment de mémoire pour établir la juste comparaison qui conviendrait. Ce travail est à présent réalisé par des historiens et philosophes qui, finalement, ne peuvent fonder leur jugement que sur les témoignages recueillis et les souvenirs nécessairement de plus en plus lacunaires des plus anciens. Or peut-on vraiment, à présent que ces temps nouveaux sont survenus, extrapoler l’état du monde tel qu’il était autrefois ? Sait-on vraiment se pencher comme il convient sur les sources dont nous disposons ? Rien n’est moins sûr. Le temps passant c'est l'oubli qui maquille le passé et l'effarement constant lorsque nous essayons d'imaginer la vie passée. Tant et si bien qu’il nous arrive de nous méfier de nos propres souvenir ; tout du moins nous le conseille-t-on. Pourtant la réalité des dates le prouve : nous avons connu ces temps révolus, sommes quelques uns, encore, à les avoir connus, et la différence est notable puisque, bien que nous ayons peine à le reconnaitre aujourd’hui, le changement ne nous fut pas faciles à l’époque, et tout en affirmant notre croyance — pour ceux qui l’affirmaient — ou notre défiance — pour les autres, nul n’était neutre alors — en cette nouveauté, il est bien certain, osons l’avouer, qu’en réalité de l’avenir nous ne savions rien ; un mur se dressait devant nous, des efforts que peut imaginaient malgré toutes les préparations auxquelles nous fûmes soumis nous étaient demandés pour le franchir et bien que peu en parlent à présent, tous n’ont pas survécu à se changement. D’autres raisons ont été trouvées, expliquant les disparitions soudaines survenues — que nul n’appelle plus « décès », naturellement, et cet ancien mot n’est prononcé qu’en un souffle, comme on s’excuse en silence —, on parla d’abandon, de dépression soudaine ou de manque de confiance, cependant que des bruits couraient de désertions et d’exécutions. Nul n’en crut rien, l’ère était nouvelle — elle l’est chaque jour encore, ne l’oublions pas, c’est une des nouveautés qui ont découlé, ce renouvellement permanent — et la barbarie comme le doute totalement exclus. Analyser, donc, les temps passés, afin au minimum d’expliquer aux nouveaux venus la chance qui leur est offerte, ce à quoi ils ont échappé, ce de quoi ils nous sont redevables en quelque sorte. Or, bien que ce soit peu dit — pas vraiment caché, mais omis, comme une honte — de rares doutes subsistent encore au sujet de la véracité du discours qui leur est fait. C’est pourtant une autre des petites nouveautés apparues, la faculté grandissante d’analyse, d’accumulation de données et de recoupement d’informations — et ce n’est qu’une infime partie des nouvelles possibilités offertes — qui devrait permettre d’assurer la transmission du passé. Mais c’est comme si le passé ne savait se soumettre à ces analyses et recoupements et accumulations qui n’analysent et ne recoupent et n’accumulent convenablement pour finir que le présent et la nouveauté du présent — ça n’en est pas moins une tâche que nul n’aurait imaginé possible, autrefois, bien entendu. En réalité, il semble que bien peu s’intéressent à ces questions car personne n’en parle et il est bien rare qu’on vienne encore nous réclamer le moindre témoignage dont, de toutes façons, si nous sommes honnêtes, nous ne pourrions rien garantir tant il est vrai que nous nous pâmons dans tout ce qui nous est à présent offert et qui nous fait oublier jusqu’à l’envie du souvenir. Mais des bruits courent ces derniers temps. Ces derniers temps ou de toujours, il est difficile de déterminer d’où et de quand courent les bruits. Toujours est-il que des volontés semblent se faire pour que soit rétablie la vérité historique, sachant que le devoir de mémoire nous est un absolu nécessaire afin d’éviter de retomber dans les erreurs où le passé nous contenait. Et c’est là qu’un nouveau débat s’établit, car comment est-il imaginable — même en l’absence de certaines connaissances — qu’une telle régression fût possible ? Ce n’est donc plus, rapidement, sur la question des moyens de la connaissance du passé que le débat se fait mais bien sur la possibilité d’une fin de l’évolution, d’un assèchement de l’élan fondateur nous ayant conduit ici. Or s’il est un point sur lequel tous s’accordent c’est bien l’aspect intarissable — fondement même du procédé, et ce en quoi réside peut-être la véritable révolution — de ce que nous vivons. Alors à quoi bon, dans ces conditions, perdre un temps de plus en plus précieux dans la vaine quête d’un passé que le présent ne peut plus comprendre ? C’est peut-être là un des problèmes qu’il nous faudra évoquer un jour — bien qu’il soit peu probable que nous nous y abaissions —, car c’est à ce jour le seul reproche que nous pourrions faire — nul ne le fait, ni n’en fait d’autres — à notre vie actuelle.
 
 
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Le temps que le site soit fini, je poste en double, mettez à jour vos agrégateurs de flux !

11 août 2009

Imaginer (frigo)

Tremble encore. Soudain tremble encore. Assise. Elle regarde le frigo. Ce n’est plus l’ancien mais un nouveau ; pour ce qui la concerne, la réplique de l’ancien. Pas vraiment ne tremble. Demande encore supplie sans condition ni réserve puisqu’il y a nécessité soudain, tant qu’au-delà de l’image habituelle de petite courbée perdue dans sa blouse tâchée. Vous allez tout me réexpliquer depuis le début Quoi Rien de plus que l’ancien, rien à toucher — je l’ai mis en route — rien à régler — je viens de visser les poignées —, plus qu’à le remplir. Elle tremble. Ne tremble pas vraiment, s’agite plutôt. Demande encore. Récapitule. Encore capitule. Ce n’est pas l’ancien. Pas de la peur, mais de l’angoisse. Elle dit sa famille, un problème. Il n’y en a pas. Sinon que le frigo est de la famille, l’était, l’ancien l’était. Soudain mort et ce nouveau livré pas même les poignées vissées, pas d’outils pour le faire, fini par appeler, un technicien mardi — lui ai dit jeudi que je viendrais avec un tournevis ce lundi, et j’ai mon tournevis. Sont visées. Ouvre referme. Très bien, alors on va tout récapituler. Ouvre encore. Légumes en bas Oui. Et laitages. Alors annuler le technicien. Appeler, encore ? Ou le laisser venir. Pour récapituler. Impossible de laisser le frigo, ce nouveau, là, en face de la chaise, la sienne. Quoi sinon m’interposer, mon corps, rappeler ce pourquoi je suis là, faire diversion. J’ai mal, vous savez. S’assoie. Se relève. Outre la barrière de mon corps. Ouvre. Ferme. Elle avait des tellement de questions.

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PS : le blog est en cours de déménagement vers un « vrai » site, proposant divers navigations (aléatoires ou ordonnées) au sein des billets. Pas totalement fini — mais l’est-ce jamais ? —, manque en particulier des images qui arriveront quand j’aurais récupéré la base de photo dans le « vieil » ordinateur fatigué. C’est par là : http://omne.fr Commentaires et remarques bienvenus.

3 juil. 2009

Im… (ville-écran)

Sous l’incitation de Jérôme Denis (de Scriptopolis) et François Bon (de Tiers livre), le premier vendredi du mois est l’occasion d’un Grand Dérangement : idée d’écrire chez un blog ami, non pas pour lui, mais dans l’espace qui lui est propre. Autre manière, comme l’écrit Scriptopolis, d’établir les liens qui ne soient pas seulement des directions pointant vers, mais de véritables textes émergeant depuis.
Voir ainsi l’échange entre Liminaire et Fenêtre open space...



Pour le Grand Déménagement #1, Arnaud Maïsetti occupe l’espace ici, et ce jour, je suis chez lui.




Ville qu’on affranchit de tout quand on marche sur elle. C’est pour la prolonger, et nos pas la fondent, oui. Ville qu’on affranchit des distances, d’abord : et de l’espace qui se serre en moi, il ne reste plus que l’écart qui sépare le pas posé et le geste qui l’écrira plus tard (pas trop tard) ; écriture qui cherche l’intervalle mesurant la distance entre la vie et son récit. Ville qu’on affranchit aussi du temps passé à la combattre : les heures d’astreinte où il faut aller, les premiers métros, les derniers métros, sont la seule horloge du temps pour moi : entre, ce n’est que du temps mort ou vivant de l’occuper, de l’emprunter : de l’échanger surtout. Contretemps instable des heures qui meurent et vivent seuls, sans qu’on les pleure. Ville qu’on se donne et qu’on se partage comme sur un coin de table, les verres, les adresses : dans les paroles qu’on échange, c’est la géographie de la ville qu’on voudrait formuler, dessiner les contours — et c’est toujours d’elle qu’on parle, sans doute. Sur l’écran, les mots qui la disent cartographient, signalent les directions : ici, là. Ville qu’on affranchit quand on l’écrit : libèrent les paroles qui l’arpenteront.

Arnaud Maïsetti

18 juin 2009

Imaginer (Colère)


    Colère, tu dis colère alors que ça n’en est pas. Rien contre quoi se mettre en. Pas de poings serrés ou encore de cette envie de crier — et le faire, crier, entendre sa propre voix enfler, et le corps en avant pour pousser le cris — envie déjà eu du temps de la certitude des colères. Mais c’est pourtant colère qui vient lorsque se forçe aux mots pour l’expliquer, ou la dire seulement, la rendre palpable, afin de quoi ne sais sinon peut-être le sentiment du contrôle que la pensée caresse. Après seulement ; après en être détaché. Ou qu’elle sera partie d’elle-même. Sans doute ça : qu’elle sera partie d’elle-même.
    C’est là (alors), lorsque finissant pour le jour, sortant, quelques minutes (quelques pas) après, cependant que sur le retour, là (alors), temps et espace, qu’éclot en un instant de flottement, explosive, la conscience soudaine de cette colère qui vient. Rien ne tombe dessus et ça n’est pas un assaut puisqu’une nécessité en fait qui se fait corps, qui double le palpable bientôt fourbu mais encore plein de la tension du jour, une seconde ombre intérieure à celui-ci, comme une épaisseur diffuse en convergence jusqu’à la nécessité de passer par delà le corps, s’échapper lentement par chaque pore sans jamais s’extraire totalement, sans aller jusqu’à son rôle supposé de seconde peau puisque dilacérée dans l’air sitôt que mis à jour. Pas de douleur, aucun signe visible qui se donnerait pour cause. Création spontanée de l’être ou retenue du jour qui éclos à l’avènement du soir ?
    Cherches sur corps — et en dedans de lui — traces qu’une morsure y aurait pu laisser. Un point d’entrée pour la propagation intérieure jusqu’à l’expansion telle qu’a sourdre. Séquelle d’intégrité. Il y a quelques frissons sans doute, l’idée d’une nécessité de bouger, comme se glisser hors de cette gangue dont être pourtant la source mais de laquelle ne pas accepter plus longtemps l’oppressante présence. C’est plus probablement elle qui cesse, abandonne ou achève, et donc cesse. Libère.
    Jamais d’instant où tu te sois attendu à ce surgissement. Pas un soir. Alors que chaque soir. Surprise alors telle qu’innommable, chaque soir. Reste ce temps court pendant lequel la mal nommer colère, la mal visualiser ombre et l’impalper peau, jusqu’à l’improbable oubli qui arrive pour finir ; vite.

29 avr. 2009

Imaginer (immédiatement)

   Tout alors devrait cesser ? Ne pas laisser au temps celui de se poser sur l'écrit. Ou. Ou laisser au temps celui de se poser, mais n'y rien ajouter d'autre, pour l'épaisseur de la macération ou la fluidité qui s’échappe, comment définir la multitude du processus ? Éviter absolument tout autre chemin que celui de mots qui s'est ouvert alors ; pas un jour où, descendu puis remonté,
   S'assoir là, au lieu même — à l'instant — de l'élan. Et laisser dire, se dérouler, comme la facilité se laisse toucher parfois entre deux circonvolution, ce que dévoilé à peine, début de vibration, ou inspiration qui précède la note, non musique mais indispensable à l’avènement de la musique. Rien de plus que bribe de phrase mais évidence de ce qu’annoncé alors, inconnu mais familier. Essayer donc, et qu’il n’y ait pas même de volonté d’essayer, que noter ne soit rien de plus qu’un automatisme non conscient, un reflet lointain qui ne ternirait pas la source.
   Rester en grève, tant que l’espace aussi deviendrait lieu de défilement immuable, le temps que les nuages passes pour créer un ciel, que les lumières s’allument et s’éteignent tout autour pour la côte, assez de temps pour qu’un cargo, sa course, balaye tout l’horizon, n’ayant pas d’autre existence que celle passée entre les deux extrémités, au loin, l’horizon. Passeraient, dans la lenteur qu’impose cette existence d’acier, d’un groupe de lumières à l’autre, sous un ciel en création constante : couleurs et moires, formes des vagues et chants d’écume, lent prolongement jusqu’au rivage du chamboulement des crètes par la course maritime, porté au pied par la houle. Liseré mourant à l’orée de soi, vite absorbé, effacement du reflux en promesse du flux déjà gonflant ses joues. Attendre que l’espace se résolve enfin, là où le temps échoue. Ou que la voix s’épuise.

22 avr. 2009

Imaginer (grève)


   Retour au lieu de première phrase, nul désir précis de celle-ci depuis qu’abandonnée ou presque, mais souvenir vivace de l’instant d’alors — un an — maintenant que frappé à nouveau, cependant que passant l’habituel ruisseau du jour qui fait falaise dans le sable ; même musique lente scansion comme contre l’étendue offerte, métamorphose perpétuelle, à corps soudain jusqu’à l’évidence qui porte aux doigts et leur nécessité au clavier —  en attendant saisir la musique sur qu’importe tant que vive, cette crainte toujours d’une évanescence du sentiment le plus clair, alors chercher l’abri, papier ou autre, qui lui préserverait son ondulation. « Pas un jour où tu n’y soit descendu. Descendu puis remonté, sitôt la lisière atteinte. Pas un jour, même chemin, descendu puis remonté… » Pourtant ne pas, ni descendre, ni remonter, suivre une parallèle mouvante, régulièrement déviée par l’écume qui vient presque lécher parfois. De même que n’ayant rien su faire de cette phrase, tenter de ne pas laisser la moindre trace derrière soi, ne pas se retourner pour le vérifier, mais dans le doute s’en rendre plus léger encore à chaque pas, pas flutés entre les minuscules terrils, les orifices, s’imaginer tel ces oiseaux là qui valsent avec les élans de mer perché sur leurs courtes pattes si vives. Re-gagne alors l’envie de s’y pencher à nouveau, que le hoquet cesse pour le souffle apaisé mais vivant. Certitude d’impériosité, contre évidente incapacité. Marée inconnue, puissante et presque solide, contre le sable finalement immuable de la grève placide.