18 juin 2009

Imaginer (Colère)


    Colère, tu dis colère alors que ça n’en est pas. Rien contre quoi se mettre en. Pas de poings serrés ou encore de cette envie de crier — et le faire, crier, entendre sa propre voix enfler, et le corps en avant pour pousser le cris — envie déjà eu du temps de la certitude des colères. Mais c’est pourtant colère qui vient lorsque se forçe aux mots pour l’expliquer, ou la dire seulement, la rendre palpable, afin de quoi ne sais sinon peut-être le sentiment du contrôle que la pensée caresse. Après seulement ; après en être détaché. Ou qu’elle sera partie d’elle-même. Sans doute ça : qu’elle sera partie d’elle-même.
    C’est là (alors), lorsque finissant pour le jour, sortant, quelques minutes (quelques pas) après, cependant que sur le retour, là (alors), temps et espace, qu’éclot en un instant de flottement, explosive, la conscience soudaine de cette colère qui vient. Rien ne tombe dessus et ça n’est pas un assaut puisqu’une nécessité en fait qui se fait corps, qui double le palpable bientôt fourbu mais encore plein de la tension du jour, une seconde ombre intérieure à celui-ci, comme une épaisseur diffuse en convergence jusqu’à la nécessité de passer par delà le corps, s’échapper lentement par chaque pore sans jamais s’extraire totalement, sans aller jusqu’à son rôle supposé de seconde peau puisque dilacérée dans l’air sitôt que mis à jour. Pas de douleur, aucun signe visible qui se donnerait pour cause. Création spontanée de l’être ou retenue du jour qui éclos à l’avènement du soir ?
    Cherches sur corps — et en dedans de lui — traces qu’une morsure y aurait pu laisser. Un point d’entrée pour la propagation intérieure jusqu’à l’expansion telle qu’a sourdre. Séquelle d’intégrité. Il y a quelques frissons sans doute, l’idée d’une nécessité de bouger, comme se glisser hors de cette gangue dont être pourtant la source mais de laquelle ne pas accepter plus longtemps l’oppressante présence. C’est plus probablement elle qui cesse, abandonne ou achève, et donc cesse. Libère.
    Jamais d’instant où tu te sois attendu à ce surgissement. Pas un soir. Alors que chaque soir. Surprise alors telle qu’innommable, chaque soir. Reste ce temps court pendant lequel la mal nommer colère, la mal visualiser ombre et l’impalper peau, jusqu’à l’improbable oubli qui arrive pour finir ; vite.

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