15 avr. 2008

Imaginer (porter)

Du plus loin il porte la mort sur ses épaules. Il l’imagine : une sphère, immense et pesante, sans que ne l’ai jamais vue ni sentie d’aucune manière sinon cet affaissement dont il décida très tôt qu’elle en était la cause. Il ne peut imaginer d’autre cause ; ni l’imaginer autrement. Il essaie pourtant. Mais toute tentative n’aboutit qu’à cette masse sphérique sur ses épaules, à laquelle, malgré l’évidence de toujours, il n’a jamais pu se faire ; pas même une lassitude de la pensée qui, à défaut d’alléger le corps, libérerait l’esprit. Il n’en remet pas moins cette certitude à l’épreuve tout le jour, pour trouver une autre évidence que la mort. Simultanément, il cherche un moyen de se débarrasser d’elle et décide que, lentement, au fil des ans, elle céderait et s’éroderait, se faisant à mesure plus légères aux épaules, cependant qu’une fatigue totalement inconnue au départ ne cesserait de croître sur le même rythme dans tous le corps.

Il s’en convainc.
Mais il ne sait en fait si le poids diminue vraiment, ni si la fatigue gagne, puisque la difficulté quotidienne, elle, reste, telle que toujours, cet affaissement dont il fait l’objet, l’entraînant inexorablement vers le sol.
Sans, à vrai dire, que sa position n’ai changée tout ce temps — sinon il y a longtemps qu’il aurait touché ce sol qui le porte — mais il est malgré tout sans cesse comme projeté vers lui. Et ne saurait lutter contre cet entraînement.

Ainsi allait-il de longtemps maintenant, supposant une mort patiemment vaincue, une fatigue galopante, toutes deux enfermées dans l’immuable effondrement quotidien. Arrivera un jour pense-t-il, où, la fatigue à son comble, la mort ne sera plus rien ou presque, un grain intangible, une poussière d’elle-même. Tant rien qu’un faux geste, elle lui échapperait. Seul avec sa fatigue, il lui succomberait.

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